MAY IN CASA, Jours 9 et 10

 Jour 9, lundi 16 mai / jour 10, mardi 17 mai

J'interviens dans l'école de Mers-Sultan aujourd'hui et demain; la circulation est dense, le chauffeur en retard, j'appelle et j'apprends qu'il a eu un accrochage avec une moto, le chauffeur n'a rien, le motard en revanche semble avoir été touché. Quand on m'envoie une voiture, je découvre vite l'intensité des bouchons, rien à voir avec la route matinale vers Bouskoura; les carrefours sont incroyables d'intensité et d'empressement, voitures et motos passent en même temps, cherchent à s'imposer, se faufiler. Je pars 30 minutes plus tard et arrive pile à l'heure pour découvrir ma classe de CE2. Une merveille de têtes blondes, pleines de curiosité et d'enthousiasme. La plus jeune classe du projet et qui est loin d'être en reste! Après avoir présenté mon univers -avec mon site à l'appui sur grand écran, maintenant je suis rôdée- on forme très vite des groupes de travail et élabore le projet; en fin de matinée les croquis sont fait, les mises en volume commencées, si bien qu'en milieu d'aprem toutes les structures sont construites, la journée du lendemain est centrée sur les détails, l'enrichissement et les finitions.

Le soir, après une promenade le long de la corniche, je suis invité à manger et dormir chez l'enseignante; on traverse le quartier très huppé Racine aux nombreuses demeures immenses -dotées de leur gardien et son cabanon réduit à une boîte en bois pour s'abriter du soleil-, puis on arrive en plein centre de Val d'Anfa, dans un bel appartement où elle vit avec son époux et leurs enfants. Dans la salle de séjour imposante, je m'extasie devant les 8 canapés qui encadrent la pièce, bleus et argentés aux effets moirés, accompagnés de leurs petites tables rondes. Elle m'explique que c'est souvent comme ça au Maroc, c'est ce qu'il faut pour accueillir la famille et les amis. Je pense avec tendresse à mon unique canapé esseulé dans mon appartement de célibataire à famille restreinte!

Après un délicieux repas à base de légumes préparés pour respecter mon régime végétarien, c'est le moment échanges et détente dans le séjour, avec le thé à la menthe, les pâtisseries et les fruits secs. On regarde la retransmission d'un mariage marocain traditionnel, la mariée porte une robe sublime et étincelante, le marié un costume très chic; suivant les villes, les épouses changent plusieurs fois de robe. Le mariage doit être suivi d'une grande fête pendant laquelle l'époux doit présenter des cadeaux somptueux à sa femme pour prouver qu'il va pouvoir prendre soin d'elle, c'est la dot adressé à la famille de la mariée. Chaque dot varie en fonction des revenus du marié mais ne doit pas être en dessous de la condition sociale de l'épousée qui serait moquée par sa famille. Cette tradition toujours vive au Maroc même pour des personnes jeunes, modernes et instruites, semble tellement étrange pour un regard européen. C'est toute la force et aussi tout le décalage entre les cultures. Ce qui me ramène à la cohabitation étrange entre le luxe et la pauvreté, l'absence de rancœur et de jalousie qu'elle serait en droit de susciter m'interpelle.  Mon interlocutrice marocaine m'explique que le cœur de la culture marocaine est intrinsèquement lié à la religion. Dans la religion musulmane, le désir est entendu mais céder à l'envie est à l'encontre de ses fondements ; envier quelqu'un pour ce que Dieu leur a accordé revient en quelque sorte à se révolter contre la volonté de Dieu, cela détruit intégralement la foi et celui détruit la personne. De même que quelqu'un de riche doit être généreux avec ceux qui ont en besoin, afin de remercier Dieu pour ses bienfaits à son égard. Je me rappelle que nous étions passé près de la demeure d'un Prince saoudien non loin de la Corniche et du quartier Racine, qui ouvre de manière ponctuelle sa bibliothèque personnelle au public.

A priori, le fossé entre riches et pauvres se creuse aux Maroc depuis quelques décennies, certainement en lien avec les différents choix politiques. Sous le règne de Mohammed V et de son fils Hassan II, les écoles publiques dispensaient un enseignement de qualité, proposaient un enseignement bilingue, donnant ainsi plus de chance aux générations de trouver un travail bien rémunéré. Sous Hassan II puis son fils le roi actuel Mohammed VI, la privatisation des entreprises publiques puis certains choix éducatifs et financiers amènent les enseignants à délaisser le public pour le privé, et des personnes à faire plus de profits qu'avant, face à d'autres qui ne peuvent pas suivre. Loin de ces préoccupations politiques, je savoure mon séjour et mes échanges avec les habitants; le petit déj au thé à la menthe avec crêpes marocaines j'avais déjà testé, mais le pain trempé dans l'huile d'olive vierge pure puis dans le miel, jamais! J'étais dubitative, et maintenant je ne rêve que de ça.



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